Un travailleur culturel de la Roche-sur-Yon vint me voir après la projection Retour sur Ouvéa et la discussion avec le réalisateur Mehdi Lallaoui : «Â C’est incroyable ce festival, je suis en vacances itinérantes dans les Pyrénées. J’ai appelé l’office du tourisme pour demander où était la bibliothèque ? On m’a répondu «Â entre la prison et le cimetière », ce qui m’a surpris, et j’ai été encore plus surpris de tomber sur ce festival dont j’ignorais l’existence. Je vais rester ici au moins 24 heures de plus. » En revanche, le couple qui a monté l’écocentre dans le Périgord et qui ont un projet de hameau écologique connexe sont venus passer trois jours de vacances au festival, enchantés à  tous les niveaux, rechargés, ils réserveront trois jours l’année prochaine en popularisant ce festival dans leurs réseaux.
Sur Radio Transparence, nous débations en direct de la thématique «Â Résistants ou terroristes ? » , Louis un des co-réalisateurs de La Marche des gueux expliquait qu’il se préparait une rencontre internationale sur la non violence «Â la seule qui fait gagner des luttes ». Il donna l’exemple «Â des naxalistes en Inde qui vivent du raket, du traffic de drogue et de la terreur sur les paysans, comme les FARC en Colombie ».
Je lui répondis donc qu’il fallait se méfier des caricatures dans les deux sens en précisant :
les dits naxalistes sont en fait plusieurs guérillas différentes qui s’étendent aujourd’hui sur une dizaine d’états indiens et qui ont aussi la même démarche que les maoïstes népalais. Les népalais, si ils ont gagné les élections et aboli légalement la monarchie c’est parce qu’ils avaient des organisations sociales puissantes qui réglent de nombreux problèmes depuis des années. Quant aux FARC, même si la nouvelle sainte républicaine a certainement de grandes qualités, il ne faut pas oublier qu’en 1984, une grande partie des FARC ont joué le jeu démocratique en présentant près de trois mille candidats qui, ont quasiment tous été assassinés. Les gouvernements américains et colombiens avaient intérêts à  cantonner les FARC dans la jungle.
Quant à  l’affaire d’Ouvéa, Mehdi montre dans son film par les déclarations de Rocard et d’un ancien de l’armée que le gouvernement Chirac et Pons a clairement fait assassiner les preneurs d’Otages alors qu’ils s’étaient rendus. C’était très bon pour gagner le deuxième tour des élections qu’ils ont finalement perdu en 1988. Rocard a du gérer l’affaire en proposant une amnistie générale pour les deux parties. Avec un peuple Kanak aujourd’hui qui reste en souffrance et sous le joug d’une droit hypercoloniale. Comme l’a expliqué Mehdi par la suite, les hommes politiques de droite en Nouvelle Calédonie son multimillionnaires, liés à  Bolloré, exploitant des mines de Nikel entre autres. Ils investissent au Japon, en Nouvelle Zélande, etc …. Chirac aujourd’hui finit sa carrière en défendant les peuples premiers, entre la prison et le cimetière il y a le pillage des matières premières et de la culture indigène pour marchandiser aussi les apparences.
Entre la prison et le cimetière, demain jeudi 10 juillet une cinquantaine de syndicalistes Kanak vont être «Â jugés » et envoyés en Prison pour fait de grève….

Alain Dussort

Bonus nouvelle

La cellule

Six heures. Les targettes de lourd métal raisonnent dans les coursives pour s’amplifier jusqu’à  la porte de la cellule. Le maton tape de son pied celle du bas qui coince, petite distinction.
La furie d’ouverture décroît jusqu’au bout du corridor et ce sur les quatre étages.
Un deuxième maton mâtiné allume successivement les cellules de l’extérieur, vérifiant si par miracle un détenu ne s’est pas envolé avec ses songes, colle sa mirette embuée sur l’œilleton et éteint.
A sept heure le fourraillage des serrures indique la tournée de l’infirmier qui distribue les neuroleptiques en appelant par leur nom ceux qui souhaitent une camisole chimique. Un peu plus tard, le même bruit se répète avec le pain de la journée et l’ersatz de café au lait. Ceux qui se refusent le breuvage restent au lit, les autres sortent leur bol , tartinent quelque peu et se recouchent. Il fait très froid, l’hiver.
Huit heure quarante cinq, la porte reste ouverte trente secondes pour la promenade du matin, mais en général, elle ne fait pas recette.
Le jour s’est levé. Ce que l’on distingue en premier c’est la lourde porte de bois plein sans poignée ni serrure de ce côté-ci. On y voit la photo d’une jeune fille torse nu qui fait de la publicité pour Loïs «Â à  même la peau ». A l’endroit se son front perce une petite languette qui peut libérer une plaque de l’autre côté sur laquelle est inscrit le numéro de la cellule : le drapeau. Le surveillant d’étage peut l’apercevoir s’il regarde en enfilade, il peut alors arriver et demander ce qu’il y a ? Mais ici il est conseillé de laisser le drapeau en berne. A l’entre jambe de son jean’s Loïs se trouve l’œilleton à  travers lequel le maton peut mater les détenus. Les murs ont quatre-vingt centimètres d’épaisseur, la porte est donc dans un renfoncement qui fait penser à  une grande meurtrière. Sur la droite, la cuvette des toilettes avec le tuyau d’évacuation qui descend de l’étage supérieur d’où l’on entend par intermittence les excréments tomber.
Il est maintenant dix heures trente, l’heure du cantinier qui distribue les commandes de cigarettes ou autres articles pour ceux qui ont de l’argent. Il est suivi du rationneur qui donne la petite plaque de beurre et un fruit à  chacun. Pour protéger les toilettes des regards, il y a un muret d’un mètre de haut, de l’autre côté, le lavabo. Sur le sol, des petits carreaux de céramique gris et beige : huit cent quarante-deux. Chaque carreau est éclaté en quatre morceaux inégaux ce qui fait trois mille trois cent soixante huit morceaux éclatés. Douze carreaux de faïence sont au-dessus du lavabo et avec les quatorze barreaux c’est les seules choses que l’on peut dénombrer. Bien sà»r il y a les dizaines de milliers de granulés des murs décrépis, mais on ne commence à  les compter qu’au bout de la quatrième, voire cinquième années de réclusion.
Il est midi. On entend le chariot nourricier qui essaiment les denrées par les portes ouvertes sur les gamelles avides qui se referment aussitôt que la becquetée est livrée. L’infirmier donne une dose à  celui qui est vraiment accroché. A côté du lavabo, une petite table fixée au mur supporte la vaisselle. Un peu au-dessus trois étagères font face à  trois autres. Entre les six se pose la fenêtre double battant en verre dépoli qui donne sur les barreaux derrière lesquels se presse un grillage.
C’est la tournée de l’eau tiède pour la ricorée cantinable. La porte se referme jusqu’à  la relève des matons qui recomptent les prisonniers. En face du lavabo sont les lits gigognes où l’on gît la plupart du temps. Le moindre mouvement de l’un est ressenti par les deux autres. Les petites vibrations du plaisir solitaire impriment des oscillations sur toute la structure métallique ; à  moins que lorsque l’un va l’autre vient et que le troisième se tienne tranquille.
Il est quinze heures déjà Â ! c’est la promenade de l’après-midi, plus prisée.
Les murs d’un jaune passé initial ont virés au gris marron clair avec la fumée des chauffes clandestines à  l’huile et du tabac. La photo de Lui elle-même est jaunie, elle fait corps avec le muret. On y voit une playmate, reins cambrés, mains sur les hanches, torse nu, le bassin vaguement dissimulé par une voilette blanche à  pois bleu ridicules. Curieusement, c’est lorsqu’un torchon pend du muret et lui voile la face qu’elle fait moins objet . On peut alors lui prêter toutes sortes de sentiments.
Dix-sept heures, le courrier s’il y en a.
La porte s’ouvre encore à  dix-huit heures pour le repas du soir.
En tout, la cellule doit faire douze mètres carrés. On peut y faire six pas de la porte jusqu’à  la table où l’on mange, sous la fenêtre. En largeur, deux petits pas du lit au lavabo.
Dix-neuf heures, les infirmiers redistribuent les doses pour dormir et pour le reste, à  ceux qui ne se souviendront même pas de leurs rêves de la nuit. Ils referment la serrure et les deux targettes de l’étable avec la même frénésie que le matin.
On a parfois l’impression d’être nulle part , ici, on est forcément ailleurs.